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Jeunes, femmes et agrobusiness : cultiver l’avenir du Gabon


Les femmes gabonaises en  agriculture
Les femmes gabonaises en agriculture

Dans un contexte marqué par une volonté affirmée de diversification économique et de réduction de la dépendance au secteur pétrolier, le Gabon se tourne progressivement vers l’agriculture durable et l’agrobusiness comme moteurs d’une croissance inclusive et résiliente, capables de répondre à la fois aux enjeux de sécurité alimentaire, de lutte contre le chômage des jeunes et les inégalités de genre, ainsi qu’à la nécessité de développement rural équitable.


L’agrobusiness, tel que défini par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), regroupe l’ensemble des activités économiques liées à la production, à la transformation, à la distribution et à la commercialisation des produits agricoles, intégrant à la fois les chaînes de valeur, les services connexes et les infrastructures logistiques, ce qui en fait un levier central dans toute stratégie nationale de développement agricole durable.


Le Gabon, bien que doté d’un potentiel agroécologique remarquable estimé à plus de cinq millions d’hectares de terres arables, n’en exploite aujourd’hui qu’environ 1,5 %, ce qui rend paradoxale sa dépendance à l’importation de près de 80 % des denrées alimentaires consommées sur le territoire, situation qui accentue la vulnérabilité économique du pays face aux fluctuations des prix mondiaux et à l’insécurité alimentaire croissante. Dans cette dynamique, le gouvernement gabonais, à travers la Stratégie d’Accélération de la Transformation Agricole (SATA 2025), s’est engagé à faire de l’agriculture un secteur moteur, contribuant à hauteur de 20 % au Produit Intérieur Brut (PIB) national à l’horizon 2030, en misant sur l’innovation technologique, l’agro-industrialisation et l’inclusion des jeunes et des femmes dans les circuits de production et de transformation.


L’écosystème du développement agricole durable au Gabon repose sur une diversité d’acteurs complémentaires, dont l’État, qui impulse les politiques publiques et assure la planification stratégique, les bailleurs de fonds internationaux tels que le Fonds International de Développement Agricole (FIDA), qui a investi plus de 13,4 millions de dollars américains dans le cadre du Projet de Développement Agricole et Rural (PDAR), les organisations paysannes et coopératives locales, qui ont mis en œuvre plus de 858 microprojets générant près de 28,8 millions de francs CFA de chiffre d’affaires entre 2007 et 2017, le secteur privé, notamment à travers des partenariats structurants comme celui avec OLAM dans le cadre du programme GRAINE, destiné à renforcer l’approvisionnement en semences, ainsi que les ONG et institutions de recherche, qui apportent leur expertise technique et sociale à la structuration des filières agricoles.







Parmi les actions majeures mises en œuvre dans le cadre de ces initiatives, on peut citer l’introduction au sein du PDAR de la technique PIF (Plants Issus de Fragments de tige) appliquée à la banane plantain, ayant permis d’augmenter les rendements agricoles de plus de 40 %, la formation de 120 Techniciens d’Appui Conseil (TAC), dont 35 % sont des femmes, contribuant ainsi à la professionnalisation locale, la création de 20 champs semenciers communautaires qui assurent actuellement 65 % des besoins provinciaux en matériel végétal, ainsi que l’instauration d’un modèle de financement participatif novateur, dans lequel plus de 60 % des microprojets sont portés par des jeunes de 18 à 35 ans, ce qui constitue un signal fort en faveur de l’entrepreneuriat rural et de l’autonomisation économique de la jeunesse.


Malgré ces progrès significatifs, l’agrobusiness au Gabon continue de faire face à plusieurs défis structurels qui freinent sa pleine émergence, notamment la faiblesse des infrastructures rurales, puisque moins de 10 % des routes agricoles sont praticables pendant la saison des pluies, l’accès limité au financement agricole, avec un taux d’intérêt moyen de 18 % qui décourage les petits producteurs, la forte dépendance aux importations alimentaires qui limite l’investissement dans la production locale, et enfin la vulnérabilité accrue aux aléas climatiques, illustrée en 2024 par la perte de 30 % des récoltes due à des inondations massives dans plusieurs provinces.





Face à ces contraintes, plusieurs pistes de solutions s’imposent pour renforcer l’impact de l’agrobusiness comme vecteur d’insertion socio-économique et de développement durable, à commencer par le renforcement des chaînes de valeur agricoles locales à travers l’extension du modèle PDAR à de nouvelles filières stratégiques telles que le cacao, le palmier à huile, l’ananas ou encore le maïs, la création d’un Fonds de Garantie Agricole doté d’un capital initial de 20 milliards de francs CFA destiné à faciliter l’accès au crédit pour les jeunes et les femmes agripreneurs, la mise en place de trois centres d’excellence en agro-entrepreneuriat d’ici 2026 pour former au moins 5 000 jeunes aux métiers de l’agriculture moderne, la mise en œuvre d’un programme d’électrification solaire ciblant 150 coopératives agricoles rurales afin d’améliorer la transformation locale et la conservation des produits, ainsi que l’institutionnalisation d’un quota de 40 % de femmes dans les comités de gestion des projets agricoles, en vue de promouvoir une gouvernance inclusive et équitable du développement rural.


Dans ce contexte électoral, où les choix politiques doivent s’aligner sur les aspirations économiques et sociales des populations, l’agrobusiness apparaît non seulement comme une réponse crédible aux défis de l’emploi, de la pauvreté et de la souveraineté alimentaire, mais aussi comme un catalyseur de justice sociale et d’équilibre territorial, à condition que les engagements publics soient traduits en investissements pérennes, que les partenariats public-privé soient consolidés, et que l’intégration du numérique et des technologies intelligentes soit généralisée dans toutes les étapes des chaînes de valeur agricoles.


Bibliographie :

  • FAO (2022), Defining Agribusiness in Africa

  • Ministère de l’Agriculture du Gabon, Stratégie d’Accélération de la Transformation Agricole (SATA 2025)

  • FIDA, Rapport d’évaluation du Projet de Développement Agricole et Rural – 2023

  • Programme GRAINE, Rapport d'activité 2021–2024

  • Banque Mondiale, Agricultural Finance in Africa, 2021

  • Observatoire National de l’Économie Gabonaise (ONEG), Bulletin Statistique Agricole 2024


Auteur :

Florent TOTO

Agro-Socio-Economiste, Consultant, Analyste en Agrobusiness et en Gouvernance des Projets de Développement durable.


DOKUNVI  est le partenaire stratégique des marques agroalimentaires africaines et afrodescendantes.

Nous accompagnons les acteurs de l’agro-alimentaire dans leurs projets de transformation agroalimentaire, de valorisation des produits locaux, de recherche de financements et de développement à l’international.


 


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